Texte d’Ariel Laforge
Lu à la présentation de Pauline Tremblay
au Gala de l’Ordre du Bleuet, le 3 juin 2017
Nomade ancrée dans les eaux du Saguenay, Pauline Tremblay voulait sauver le monde, devenir bénévole en Afrique, en Chine, se voyait médecin, infirmière, enseignante et sauver les enfants. N’a-t-elle pas frappé dans le mille?
Les origines de cette femme, née à Hébertville le 21 juin 1953, semblent tout droit sorties d’un roman d’Arlette Cousture. Son père, Adélard Tremblay de Lac-à-la-Croix, travaillait déjà dans la forêt à 13 ans. Sa première femme mourra en couche en lui donnant un fils. Grand aimant de la nature, il étudia deux ans à Duchesnay pour travailler comme garde forestier à la barrière du Parc des Laurentides et comme mesureur de bois pour Price. Il se remaria en 1948, avec Germaine Noreau, mère de Pauline, qui avait troqué Saint-Raymond-de-Portneuf pour le Lac-Saint-Jean. Germaine endossa le rôle de femme au foyer en ne sacrifiant rien de ses amours : la poésie, le dessin, l’écriture, les voyages, la cuisine. Elle a inculqué à sa fille son goût de l’autonomie, sa rigueur du « bon » français et, par-dessus tout, l’importance du respect.
Pour Pauline, tout se met en place progressivement, commençant par un groupe de quatre chansonnières nommé « Les Double-Deux » où elle faisait de la musique pour la chorale du village et des fêtes dans des salles paroissiales. Puis elle instaure le théâtre de marionnette et les ateliers pour les jeunes dans les écoles, la direction de théâtre et la direction de l’école Sainte-Marie-Médiatrice ainsi que le conseil pédagogique.
Mais avant, il y a les études en arts plastiques au cégep d’Alma, suivies de celles en ethnologie, éducation et arts plastiques à l’université Laval, sans oublier l’Université du Québec à Chicoutimi pour compléter un certificat en adaptation scolaire, un baccalauréat en arts plastiques et dramatique et enchaîner une maîtrise en éducation-intervention et décrocher un diplôme d’études supérieures spécialisées en gestion administrative scolaire. Elle consacre aussi de son temps à suivre plusieurs heures de formation avec des artistes, auteurs et responsables de différents programmes du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport.
Elle ne sera pas seulement une étudiante à l’université. Pauline a été professeure invitée à L’UQAC en art dramatique au théâtre jeunesse, superviseure de stage et chargée de cours. Aujourd’hui, elle est conseillère pédagogique et, ho! surprise!, responsable du programme d’arts et métiers de la scène (AMS) à la polyvalente de Jonquière.
Cependant, sa réalisation la plus marquante est, sans aucun doute, la cofondation du Théâtre Les Amis de chiffon avec ses complices d’enfance Johanne Maltais et Jacynthe Chabot. Fondé à Alma en 1974, ce théâtre, dont elle sera la directrice générale pendant plusieurs années, a déménagé à Chicoutimi, Rivière-du-moulin, pour finalement élire résidence en l’an 2000 au Centre des arts et de la culture de Chicoutimi. Le TAC compte plus de 29 productions et, en plus d’être on ne peut plus actif dans le berceau de sa région, a présenté plus de 120 spectacles à travers le Canada; des tournées allant des écoles québécoises jusqu’aux salles de Yougoslavie ou d’Angoulême en Charente. Cette troupe a d’ailleurs accompli le tour de force de jouer à la Maison Théâtre de Montréal répondant aux rigoureux critères de cette très sélecte institution. Au total, Les Amis de chiffon y auront donné 44 représentations et conquis plus de 11 000 spectateurs.
La culture, mais plus encore le théâtre, coule dans les veines de cette passionnée, au point où elle va parcourir l’Europe en solitaire. Pauline Tremblay passera ainsi 10 jours à Cuges-les-Pins en tant qu’artiste nomade invitée où elle présentera des extraits d’auteurs québécois réputés tels Daniel Danis, Michel-Marc Bouchard et Michel Tremblay. Son voyage l’a menée dans le sud de la France, l’Italie, l’Espagne où elle assiste à plusieurs pièces de théâtre et même à une lecture de Juliette Binoche.
Lorsqu’on l’interroge sur ses passions, Pauline nous parle d’activités extérieures telles la pêche, le camping ou la voile; cela n’est pas sans rappeler le travail que faisait son conjoint Pierre, père de ses deux garçons Alexandre et Félix, au moment où elle l’a rencontré en 1980. Pour le reste, on demeure en terrain connu : le théâtre, bien sûr!, mais aussi la lecture qui lui permet de « rêver d’autres mondes » et la musique qu’elle aime autant jouer qu’écouter.
Elle a un rapport particulier avec l’art, avouant que la musique « l’a sauvée de ses détresses d’adolescente ». Elle tire même un constat quant aux jeunes, lequel peut résumer la motivation de son engagement dans le milieu culturel et artistique.
« Quand je pense à ces jeunes et à une période plus difficile de mon adolescence, je sais pertinemment que l’art, peu importe la discipline, nous fait émerger. On travaille avec notre créativité, nos propres ressources. Cela nous oblige à nous dépasser constamment. C’est de cette façon qu’on finit par devenir des personnes qui rayonnent. »
Pas étonnant, alors, de la voir, en plus de sa charge de conseillère, s’occuper de toutes les réservations des activités qui ont lieu à l’auditorium de sa polyvalente, planifier la logistique de divers évènements de la commission scolaire de la Jonquière, être conseillère auprès des communautés de pratique en art au primaire, participer à l’organisation du Festival de théâtre des deux jours à vivre et à la semaine des Finissants de l’AMS, en plus d’endosser le rôle d’administratrice au sein du CA du théâtre La Rubrique.
Cette femme de cœur, à l’engagement indéfectible, n’a pas fait que rêver de changer le monde, elle s’y est investie sans ménagement de la plus belle et noble des manières : en s’assurant que la succession de jeunes générations « rayonne » grâce au contact de la culture.
Le 3 juin 2017
PAULINE TREMBLAY
Femme engagée, cofondatrice du Théâtre
Les Amis de chiffon
Pour son exceptionnelle implication
à initier les jeunes à la culture
fut reçue Membre de l’Ordre du Bleuet